Share

Chapitre 3 / Partie 1

« Jusqu'aujourd'hui je me sers des pierres qu'on me lance pour essayer de construire quelque chose » — Jaelly LaRose.

— Merde ! Je vais être en retard pour-

Argh, quelle conne.

Je me rends vite compte que je dis des sottises, me rappelant de l'ignoble Jocelyne. Mon estomac se tord en y repensant, donc je m'enroule dans la couette douce et moelleuse. Une odeur maintenant familière, se dégage du tissu. Je sens le feu monter à mes joues ; je reconnais la fragrance boisée aux notes de bergamote de Sullivan.

L'homme avec qui j'ai pris plaisir à faire l'amour hier soir.

Je l'ai tellement idéalisé et j'ai eu raison : il a été merveilleux du début à la fin. Je me mets à le chercher des yeux mais il n'est pas là. Pourtant, je ne rêve pas ! Je suis bien dans le même penthouse que la veille même si mon cerveau a eu du mal à l'analyser sous l'alcool. Je remarque le rangement impeccable de l'endroit, et c'est un fait : les hommes ne sont pas tous désordonnés. Bravo les mâles alpha !

Je contemple le paysage californien du petit matin. Tout le monde s'active, et moi je n'ai plus rien.

— Ce n'est pas grave ! Je trouverai quelque chose d'ici quelques temps !

Je me permets de chercher un indice sur sa vie personnelle pour en savoir plus. Ah ! Bingo ! Je trouve rapidement une carte de visite sur sa table de chevet en plexiglas. Ma gorge se noue et mon regard s'élargit, lorsque je lis la grosse enseigne dans laquelle Sullivan bosse.

— Hilton Cooper Brand ? Putain mais qu'est-ce qu'il n'a pas ce mec ?

À côté de ça, un petit mot sur un post-it jaune y est collé. Je l'arrache et plisse les yeux pour déchiffrer ce qui est écrit. Je me mets à sourire. Il me glorifie pour tout ce que je lui ai fait la nuit dernière et il finit son mot en me demandant de passer sur son lieu de travail si j'ai le temps. Une licenciée a toujours le temps, mais...

— Merde, merde, merde...

C'est censé être un coup d'un soir, non ? Alors, c'est « le fait d'avoir une relation sexuelle ne connaissant pas de suite où les partenaires n'ont pas l'intention de développer une relation durable ou même de se revoir ». Merci Wikipédia, je ne me trompe donc pas sur la définition d'une aventure sans lendemain ! Ce terme promulgue même très explicitement son sens ! Alors pourquoi il me demande de venir à Hilton Cooper Brand, là où il bosse ?! Attends, ça voudrait donc dire qu'il ne...

— ...Voit pas la relation de la même manière que moi, soufflé-je, en écarquillant les yeux.

Je baisse la tête en poussant un cri de désespoir. Je n'arrive pas à le croire, c'est trop la honte de le revoir après tout ce qu'on s'est dit, non ? Bon, assume Jaliah. Ce n'est pas la mort, personne ne meurt de honte... oui, voilà, « le ridicule ne tue pas ». Je me relève avec fermeté et trouve la salle de bains.

— Quand faut y aller, faut y aller !

Je laisse l'avalanche de liquide chaud couler sur ma nuque. Un soupir de plaisir s'échappe de ma bouche. Je pense longuement à la manière dont je vais devoir clarifier les choses avec Sullivan. Certes, j'ai aimé ce qui s'est passé, mais est-ce réellement ce que je veux ? Puis même si ça ne fonctionne pas avec lui, je devrais faire un tour à HCB pour guetter des offres d'emploi.

J'ai tant été brisée, et je sens toujours un vide en moi. Comme s'il manque une période de ma vie... c'est pour ça que je suis toujours en quête de l'épanouissement. Oui, mes objectifs sont plutôt classiques et de la vieille école ; réussir ma vie professionnelle, trouver quelqu'un me marier et avoir des enfants. Mais par-dessus tout, je veux oublier mon passé qui me dérange et m'enfonce dans les sables mouvants. J'ai compris depuis la mort de Denver, que les rêves les plus « faciles » d'accès sont les plus dures.

J'ai songé à m'engager avec lui. J'ai pensé finir avec lui, mais la vie nous a vilainement rattrapés, raflant tout sur son passage. À chaque fois que j'y repense, je ne peux m'empêcher de sentir mon cœur saigner et mon âme crier. Là, je ne fais pas allusion à Denver, car mon deuil est déjà fait, mais à combien ma vie est devenue ravagée et incohérente.

J'applique mon rouge à lèvres de couleur sang, mais je remarque des larmes couler sur mes joues. C'est drôle : je refoule tellement mon sentiment de mal-être et de tristesse que mon corps l'exprime sans que je ne m'en rende compte... Sigmund Freud dirait que ce n'est pas la meilleure chose à faire.

— Arrête t'es ridicule. Essaie au moins d'avancer dans ta vie avec prudence.

Je promets de me défaire de la malédiction. De vivre ma vie, et de combler ce vide qui m'ensorcèle.

Un mois plus tard...

Comme à mon habitude depuis un mois, je me rends à HCB pour voir si des offres sont disponibles sur le panneau d'affichage. Accessoirement, je viens pour voir Sullivan. Argh... depuis un mois, cette notion de « coup d'un soir » n'a toujours pas été saisie entre nous. Je vais encore tourner en rond si je ne coupe pas les ponts, mais pourquoi je ne le fais pas ? Je ne suis pas de nature méchante, donc ça me paraît affreux de le virer comme ça de ma vie.

Quoiqu'il en soit, les emplois proposés ne sont jamais à mon goût ou ne collent pas à mon cursus universitaire. Je dois trouver un truc pour les vacances, je ne vais pas glander jusqu'à l'année suivante tout de même !

— Merci ! lancé-je au chauffeur de taxi, tout en me tournant face à la plus grande entreprise de l'État.

Je perds espoir. Mes épaules s'affaissent et je fais la moue. C'est avec un long soupir et à contre cœur que j'entre à l'intérieur. Cependant, une image frappe mon esprit. Je recule de deux pas, et scrute le panneau d'affichage à l'entrée. Je pousse un cri de surprise lorsque je vois que HCB cherche un directeur artistique sous tout type de contrat ! Merci la vie, enfin tu me souris, petite grincheuse ! Je lis en zigzague les conditions et les modalités : le poste est accessible pour ceux qui sont en phase terminale des études, désireux d'en faire un métier. Les expérimentés peuvent postuler aussi.

Yes ! C'est pour moi, ça !

Je me félicite d'avoir une dizaine de curriculum vitae dans mon sac tant je cherchais un boulot. J'arrache l'annonce, satisfaite de ma trouvaille et la glisse dans ma poche. Je rentre pour de bon à l'intérieur.

J'inspire profondément. L'odeur de l'encre. Le bruit des ventilations numériques. La légère fragrance de violette mélangée avec la rose. Je n'ai jamais travaillé dans des grandes surfaces comme HCB mais je me sens comme chez moi.

Je lève les yeux et je souris de manière incontrôlée ; il y a des nouvelles créations graphiques qui n'étaient pas là il y a un mois ! Elles sont toutes suspendues faisant office de décoration. C'est élégant ! Mais ce qui m'intrigue davantage, ce sont les collections de Fashion Designers. Je sens mon corps en ébullition lorsque je m'approche de ces œuvres d'art. Mais pourquoi ils n'ont pas exposé ces œuvres d'art un peu plus tôt, quand même ?

— Non mais je rêve, c'est la robe à plumes blanche de Patou... je vais m'écrouler, là.

— Jaliah ?

L'émotion m'a transportée. Je ne remarque pas la venue de Sullivan, et encore moins le fait que je sois postée là, en plein milieu du grand hall d'entrée. Super... personne ne m'a prévenue là. Je gratte le haut de ma tête et m'oblige à sourire.

— Sullivan....

— Eh bien, eh bien ! Mademoiselle est ravissante, t'as pu manger quelque chose ? s'inquiète-t-il en se rapprochant de moi.

— Euh oui, mens-je, d'ailleurs je ne savais pas qu'ils cherchaient un directeur artistique...

— Oui, ils l'ont placardé ce matin, c'est en partie pour ça je t'ai demandé de venir, je savais que ça te tenterait.

Related chapter

Latest chapter

DMCA.com Protection Status