Une vague.
Une seconde.
Une troisième vague se fracassa contre la falaise rocheuse où était situé un vieux bâtiment semblant abandonné. Malgré son vieil âge, il tenait bon. Les algues et les étoiles de mer lui montaient lentement dessus au fil des années et lui tenaient compagnie dans leurs derniers moments de vie. La bâtisse était faite sur le long, toute en pierre et les fenêtres n'étaient que des vulgaires barreaux. Pas de vitre.
Une prison ne l'est pas si elle est luxueuse.
Ceux qui doivent y séjourner ne méritent pas cette splendeur.
Sur une île isolée du continent, personne ne peut y échapper vivant. Cette prison a son petit secret bien à elle...
Sur l'unique quai, à peine sortis d'un vieux bateau à moteur, deux gardes venaient de débuter leur tournée sur la petite île. Le plus grand tenait un sac de plastique qui contenait une caméra et l'autre avait ses papiers de vérifications concernant les prisonniers. Ils devaient s'assurer que tout allait bien, mais la caméra ne leur servait à rien, elle n'était pas à eux.
L'escalier de pierres franchis, ils se retournèrent pour regarder la vue qu'ils avaient sur le continent. Impossible d'atteindre la terre ferme en nageant à partir d'ici. De toute façon, il fallait tout d'abord se jeter en bas de la falaise. Si les os brisés n'arrêtent pas la personne, les puissantes vagues allaient s'occuper du reste.
-Au fait, pourquoi cette caméra ?
Le détenteur de l'objet regarda son collègue puis baissa les yeux sur l'appareil.
-C'est une pièce à conviction qui n'a finalement pas servie à grand chose... Je dois la ramener à son propriétaire.
Le plus petit fronça les sourcils.
-Normalement, les prisonniers n'ont le droit à rien, non ?
Son ami haussa les épaules puis tous les deux entrèrent à l'intérieur de la prison dans un silence profond. Une odeur d'algue envahit leurs narines et les firent légèrement grimacer. Ils n'eurent pas trop le choix de s'y habituer et les deux hommes allèrent vérifier l'état des cellules ainsi que ceux qui y étaient enfermés. Tous avaient été nourris et aucun n'était malade. Physiquement, les prisonniers se portaient bien, mais certains étaient devenus fous à cause de cet endroit lugubre.
-Tomas !
Le plus grand des gardes leva la tête à l'entente de son prénom et rejoignit son collègue qui l'avait appelé. Ce dernier lui pointa une personne recroquevillée dans le fond de sa cellule, un vieil homme fou.
-Qu'est-ce qu'il y a, Yan ?
-Il a un collier, il faut lui retirer. Ils ne veulent pas que les prisonniers soient en possession d'un objet quelconque qui puisse menacer leur vie.
Tomas soupira et sortit ses clés de cellules. Il la mit dans la serrure et tourna.
-Assure-toi qu'il ne cherche pas à sortir, lui ordonna-t-il.
Son collègue Yan hocha la tête et entra ensuite dans la cellule. Il s'approcha du prisonnier et se baissa à sa hauteur.
-Monsieur...
Le soi-disant fou leva lentement la tête vers lui, le collier bien serré dans sa main. Il fit non de la tête et recula dans le coin de sa cellule.
-Jamais... Jamais vous l'aurez ! Il est à moi ! À moi et seulement moi ! Je ne vais pas m'étrangler avec, c'est mon ticket de sortie ! Je vais sortir vivant de cette saleté de prison maudite ! Je sais ce qui arrive aux prisonniers ici ! Je ne suis pas fou ! Je sais tout !
Suite à ses mots, il se mit à rire. Un rire de fou mélangé à de la panique.
Yan soupira et se redressa. Il tourna la tête vers Tomas et laissa échapper un faible murmure.
-Il est au courant... ?
Son collègue haussa les épaules et entra lui aussi dans la cellule.
-Il n'est pas supposé, et puis je ne sais pas qui aurait bien pu lui raconter cela. Il faut lui enlever tout de suite.
Yan souffla et une fois les manches retroussées, il força l'homme à se lever. Pendant qu'il se débattait en serrant toujours son précieux bijou dans sa main, Tomas se mit derrière lui et lui donna un léger coup dans le dos afin qu'il perde l'équilibre. Le vieux tomba à genou et Yan profita des quelques secondes de sa faiblesse pour récupérer l'objet. Une fois chose faite, les deux gardes sortirent de la cellule pendant que le fou les insultait de tous les noms possibles. La porte verrouillée, ils vinrent pour partir dans le couloir, mais Yan se reçu un coup de poing à la mâchoire de la part du vieux qui venait de passer son bras au travers des barreaux de sa cellule. Le collier vola dans les airs quand Yan perdit l'équilibre et tous les deux furent trop concentrés à savoir ce qui se passait pour voir où avait atterri le bijou. Tomas repoussa le vieux et aida son collègue à se relever puis ils s'éloignèrent.
-Attend, j'ai échappé le collier, il ne doit pas le récupérer ! Lâcha Yan.
Tomas tourna la tête vers la cellule du fou qui se tirait les cheveux et secoua la tête.
-Il ne l'a pas, il n'arrête pas de se plaindre. Viens, je vais t'arranger cette sale blessure, il ne t'a pas raté. Il a de la force ce vieillard.
Le couloir était redevenu silencieux, seules les plaintes du fou se faisaient entendre. Il finit par se calmer, mais il n'avait pas l'esprit tranquille. Il voulait retrouver son précieux, mais il n'était pas dans sa cellule ni même près des barreaux.
Après un moment de silence, des bruits de pas se mirent à résonner à nouveau dans le couloir. Tomas se dirigeait, seul, vers la cellule de la personne en face de celle du vieil homme fou. Une fois devant, il glissa le sac contenant la caméra au travers des barreaux et le posa doucement au sol.
-Je crois bien que cela vous appartenait, murmura-t-il en fixant la masse dans l'ombre après s'être assuré que c'était la bonne cellule.
Une main frêle vint récupérer son présent et resta dans son coin, même pas un faible merci de sa part. Tomas fronça les sourcils et se mit à feuilleter légèrement les documents contenant les informations à propos de cette personne.
-Une fille...
-Femme.
Il sentit son regard posé sur lui et fut surpris d'être aussi rapidement corrigé.
-Une femme, pardonnez-moi.
Il se tut et fit demi tour afin de rejoindre son collègue qui devait garder de la glace sur sa mâchoire pendant un moment.
Dans sa cellule, la prisonnière sortit l'appareil de son sac et fut rassurée de constater que toutes les données n'avaient pas été effacées. Elle allait regarder son contenu plus tard puisque quelque chose de brillant venait de capter son attention. La jeune femme se redressa lentement et vint ramasser un collier qui avait atterri dans sa cellule. Elle tourna ensuite la tête vers son voisin d'en face, un petit sourire en coin.
-Je crois que c'est à vous, murmura-t-elle.
Le vieillard leva la tête vers elle et se précipita sur les barreaux en tendant sa main vers elle.
-Oui ! C'est à moi, donne ! Hurla-t-il.
Elle rit moqueusement de lui et le bijou se retrouva serré contre elle.
-Il est à moi maintenant, ma cellule mes affaires... Mais dit moi, pourquoi il te serait si utile ?
Il grommela quelques mots incompréhensibles en la fixant d'un mauvais oeil puis serra le poing.
-À me garder en vie.
Il soupira et tenta de garder sa panique pour lui, mais son corps se mit à trembler.
-On va tous mourir. Tous sans exception. Sauf le détenteur de ce que tu as dans la main.
Elle fronça les sourcils en le regardant et ne put s'empêcher d'être intriguée par ce qu'il racontait
-Continue.
Il secoua la tête.
-Seulement si tu me le redonnes après.
Elle eut un petit sourire aux coin des lèvres puis posa le précieux collier à côté d'elle en attendant. La jeune femme lui fit signe de poursuivre.
-Ils ramènent des prisonniers ici pour remplir leurs cellules. Ils s'assurent que les personnes ont commis quelque chose de grave pour ne pas les tuer pour rien. Et oui, personne ne sort vivant d'ici. Mais ce ne sont pas eux qui nous éliminent... Ah ça non... Ils ne se salissent pas les mains pour ça... C'est Kýma qui s'en charge.
-Kýma ? Qui est-ce ? Ce n'est que le nom de cette prison...
La prisonnière ne fut pas sûre de comprendre complètement.
-Tu ne devrais pas te demander qui c'est... Mais plutôt ce que c'est. Il frappera très bientôt, j'en suis sûr. Maintenant, donne-moi mon collier !
La jeune fille le reprit en main et se le mit au cou.
-Non, je vais le garder.
Elle haussa les épaules en le regardant.
-Il pourrait me sauver la vie, comme tu l'as dit.
Le fou grogna et frappa l'un des murs de pierres.
-J'espère que ton âme va pourrir en enfer ! Cria-t-il. Kýma n'est pas qu'un vulgaire nom de bâtiment !
Il fût sérieusement en colère et les deux gardes furent obligés d'intervenir afin de le changer de cellule. Il était devenu beaucoup trop bruyant. Cependant, entre-temps, Tomas s'aperçut que c'était l'unique prisonnière féminine qui détenait le bijou. Cette dernière avait croisé son regard et l'avait convaincu qu'elle ne ferait rien avec. Il avait étrangement confiance en elle et se rendit en pause avec Yan.
-Tu as entendu leur conversation ? Lui demanda Yan en étant assis autour de leur petite table.
-Mh, acquiesça Tomas. Je ne sais pas d'où il tient ça. De toute façon cela serait stupide de croire un homme comme lui.
-Peu importe, souffla Yan, on doit être parti avant demain soir. Sinon, on y passe avec eux.
Le plus grand leva les yeux vers son collègue.
-La fille aussi doit subir ça ?
Yan fronça les sourcils et se mit à analyser rapidement le dossier de la jeune femme. Il finit par hocher la tête malgré lui.
-Oui, surtout qu'elle a été accusée de deux meurtres qui ne se sont pas déroulés au même moment. Cette Sky n'a l'air de rien, mais elle semble cacher beaucoup de choses... Le ciel peut être imprévisible...
Dans sa cellule, enfin au calme, Sky contemplait tranquillement le collier. Le médaillon de bronze possédait un motif gravé en forme de vague. Et dire que cela pouvait la sauver, ce vieux était vraiment cinglé.-J'ai un vieux collier alors vous me laissez la vie sauve... Tss, n'importe quoi, souffla-t-elle à elle-même.Cela faisait des semaines qu'elle séjournait dans cette cellule et elle s'était déjà préparée à mourir d'une quelconque manière. Elle ne voulait pas vivre ici, en prison. La mort allait être bien mieux que de pourrir ici...Elle garda le bijou dans son cou et prit enfin sa caméra. Bien confortable dans son coin de cellule, elle alluma l'appareil et parcour
La vague secoua violemment la prison ainsi que ses prisonniers. Sky eut du mal à rester en place et glissa vers les barreaux à cause de la pression de l'eau qui avait traversé sa fenêtre de vieux métal. Elle manqua de peu de s'assommer contre la surface dure des barreaux, mais elle se ressaisit rapidement. La jeune femme plongea soudainement dans un état de panique. Certes, cela ne lui aurait pas dérangé de mourir, mais pas dans ces conditions. Pas après que cette vague étrange ait frappé la prison. Elle voulait des explications, et surtout comprendre. Mais tout se déroulait si rapidement...Presque entièrement trempée, Sky se redressa contre les barres. Elle n'avait reçu aucun choc violent contrairement à sa pile...Elle la se
Une vague.Une seconde.La troisième réveilla Sky qui s'était échouée sur le bord d'une plage.Celle de La Noyeuse.La jeune femme toussa plusieurs fois afin d'expulser le sable dans sa bouche ainsi que l'eau qui avait tentée de pénétrer ses voies respiratoires. Toujours étendue sur le sable, elle ouvrit péniblement les yeux afin de voir où est-ce qu'elle était. Elle fut bien surprise d'être toujours vivante. N'avait-elle pas reçu un vilain coup à la tête qui l'avait fait perdre connaissance dans l'eau ? La douleur la hantait toujours.Qui l'avait sortie de là ?
Sky fut réveillée très tôt le lendemain à cause des rayons du soleil. Ce dernier venait tout juste de se lever, l'air était encore frais à l'extérieur. Étonnement, la jeune femme avait bien dormi sur le canapé de Brigitte. Après tout, elle ne dormait plus dans une vieille prison de pierre.Une fois habillée, elle descendit à la petite taverne puisque personne ne semblait être présent à l'étage. Elle croisa Brigitte qui servait ses premiers clients de la journée. Des pêcheurs étaient attablés dans un coin où les fenêtres donnaient une magnifique vue sur la plage. Sky, quant à elle, alla s'installer au comptoir, à la même place que la veille. Marcus lui sourit gentiment quand il l'aperçut puis reprit son boul
Après une seconde nuit à la taverne, Sky s'empressa de sortir afin d'attendre les pêcheurs sur leur bateau. Elle voulait les accompagner à nouveau, le baleineau éventré sur la plage lui avait bel et bien confirmé ses doutes à propos d'un monstre marin. En attendant les autres, la jeune femme regarda en silence le pauvre animal. Il n'allait pas tarder à être nettoyé de la plage, l'odeur qu'il dégageait commençait à être vraiment insupportable et les mouches se faisaient nombreuse.Un moment passa lorsque Sky aperçut finalement Barry et compagnie. Ce dernier sourit en grand en la voyant et monta sur son bateau.-On va pêcher du gros poisson aujourd'hui ! S'exclama-t-il. Je me suis procuré de plus gros hameçons,
La mer, pourtant agitée à l'extérieur, était silencieuse autour de Sky qui continuait lentement à couler. Cette dernière faisait de son mieux pour rester consciente et de ne surtout pas avaler de l'eau. Elle avait beau ouvrir les yeux, elle ne voyait rien autour d'elle.Cependant, elle ressentait toujours de petites vibrations au niveau de son collier. Il n'était pas aussi chaud que tout à l'heure, probablement à cause de l'eau dont la température chutait assez rapidement.Quelques secondes avant que la jeune femme n'expulse l'air restant de ses poumons, elle sentit une paire de bras lui entourer la taille. Elle eut un long frisson puis se sentit remonter vers la surface. Dès que sa tête fut hors de l'eau, elle ne perdit pas de temps à prendre une
Les roches étaient froides au contact de sa peau, mais cela put enfin la réveiller. La jeune femme était complètement épuisée. Les vagues l'avaient étourdie. Ses lèvres tremblaient et ses vêtements étaient toujours trempés.Sky finit par se redresser et s'adossa contre un rocher en regardant la mer. Elle tenta de se réchauffer en se frottant les bras, mais cela ne fut pas assez. La naufragé baissa les yeux sur son corps et souffla en y voyant plusieurs équimoses et égratignures. Son séjour en bateau avait été marquant pour elle.Elle se leva en grimaçant de douleur puis se mit à la recherche de quelque chose qui pourrait l'aider, peu importe ce que c'était. Une chaloupe, des vêtements se
En montant à l'étage, situé au-dessus de la taverne, Sky fut éclairée par une lumière qui venait tout juste de s'allumer. La caméra toujours serrée contre elle, la jeune femme cligna plusieurs fois des yeux.-Où étais-tu passée ? Lui demanda Brigitte, inquiète. Et que t'est-il arrivé ?L'état de Sky était quasiment le même que lorsque la femme de la taverne l'avait retrouvée, l'autre soir sur la plage. Ses vêtements étaient déchirés, ses cheveux étaient en batailles, elle était trempée jusqu'aux os et sa peau était recouverte d'équimoses et de coupures.La jeune femme baissa la tête.