Isaac est ensuite retombé dans les vapes. Je me suis marrée un moment sur sa phrase: si même la Rébellion ne veut pas de nous, nous sommes bien barrés. J’ai supposé qu’il s’agissait d’une pointe d’arrogance, dont il a l’air bourré. Ellis a terminé de le recoudre et s’est attaqué à sa jambe, mais à part des bleus devenus jaunes, il n’a trouvé aucune blessure inquiétante. Nous l’avons laissé sur le sol, de peur de le bouger et de rouvrir ses plaies.—Et maintenant? l’interrogé-je.—Tu n’es pas fatiguée?—Je suis morte.—Alors dormons et attendons de voir si ce con survit.Je fais le tour du propriétaire: rien à manger, pas d’eau chaude, à peine un filet de boue froide sort du robinet. Il y a bien une chambre, mais le matelas est tellement miteux que j’ai peur de dormir dessus.—Prends le canapé. Et range cette lame, soupire-t-il, ou tu vas te blesser.Je hoche la tête et la cache sous l
J’ai l’impression que les nanorobots cliquètent dans ma tête alors qu’ils se mettent en branle pour soigner ma commotion. Je ne peux m’empêcher de sourire ; Everlasting m’a peut-être sauvé la mise, pour une fois. La douleur reflue lentement mais je garde la tête dans les nuages, une brume désagréable vrillant mes tempes. Un bandeau m’obstrue la vue et aux vibrations que je ressens, je suis dans une voiture. Une voiture, vraiment?<nostalgie>—Ils vont bientôt nous retirer le tracteur, soupire mamie.—Pourquoi? demandé-je, alors qu’on est secoués comme des sacs de pommes de terre.—Trop de pollution, je crois que c’est lié aux moteurs, ma chérie. Mais c’est ton grand-père qui aurait pu nous dire, il s’y connaissait bien en mécanique, tu sais. Il travaillait dans le Glove, il y a bien longtemps. Ce tracteur, c’était le sien, alors j’aimerais le garder encore un peu… même si nous avons l’interdiction de nous en servir. Nous n
Le coup part et ricoche près de mon oreille pour aller se perdre dans les fourrés dans un écho strident. Je m’arc-boute tout en portant la main à mon tympan en grognant. Harmonie n’en a que le nom: sa tête est en bordel, elle vient de me tirer dessus!—C’était un test? crié-je. Vous auriez pu me toucher!—Comme tu le dis si bien, tu as un truc très intéressant sous le crâne, mais certaines personnes changent soudainement d’avis lorsqu’elles sont soumises à la pression. Sache qu’on va devoir te retirer ce que tu as dans la tête, je n’ai pas envie que de petits génies d’Everlasting se mettent à te pirater.—Je vais mourir si vous faites ça.—Oui, peut-être. Mais nos médecins ont appris à retirer Soulmates, alors je doute que le deuxième leur pose problème. Et puis nous n’avons pas le choix.Je ne veux pas qu’ils me le retirent, c’est ma seule porte de sortie. Tout ce que je vaux se trouve dans mon crân
Je suis en vie.Ça pétarade sous mon crâne, mais je suis en vie. J’ai envie de m’arracher la tête, les yeux, la peau, tout ce qui me compose, mais je suis là, à pouvoir respirer et penser. Alors tout va bien. J’ai l’impression d’avoir un marteau piqueur dans la tête. Je cligne plusieurs fois des yeux, afin de chasser les points noirs qui dansent devant moi.J’entrevois un visage. Je fais le point. On me parle. Les mots sonnent désordonnés.—As?—Hmmm.—Hé, doucement.Après avoir inspiré, expiré, dégluti, je réalise enfin qui me parle. Ellis. Mes yeux font le point vers son sourire timide. Qu’est-ce qu’il fait là? Il me sourit, me parle gentiment. Je suis au paradis, c’est définitif.—Tu es là; toi aussi?J’ai la voix qui tremble, tous les sens en pagaille. Le haut, le bas, le dessus ou le dessous n’ont plus de signification. Si le paradis ressemble à une vieille chambre de garage en bordel
Quand je repose le dossier me dévoilant les grandes lignes de ma mission, je ne me sens pas bien. Ils ne sont pas sérieux? Non, ils ne peuvent pas... Est-ce un test? Une façon de prouver ma valeur, ma volonté de m’intégrer? Est-ce que le but même de cette mission existe? Se jouent-ils de moi?Je reste coite sur mon lit, sans faire le moindre mouvement, abasourdie par ce que je viens de découvrir, par tout ce que ça remet en question et par l’avenir que je vois se créer sous mes yeux, alors que je pensais tout espoir vain.<nostalgie>—Tu seras brillante, As, et tu pourras m’aider avec Soulmates.On regarde les nanorobots vibrer sous l’œil acéré du microscope. Elles me fascinent, ces petites bêtes. Papa croit qu’elles pourront nous guérir, un jour. J’aimerais bien.—Ça, tu vois, c’est le futur, et c’est ce genre de choses que les ingénieurs inventent. C’est pour ça qu’on est utile. Certains pensent que ce
Je vis un rêve éveillé. Mes yeux me brûlent et j’ai l’impression que ma tête va exploser. Les heures passent, ressemblant à des parcelles d’éternité à vivre. Mais c’est normal, d’après Jack. Désactiver certains pans de Soulmates n’a pas été facile et mes pensées s’éparpillent comme un millier de papillons. Il paraît même que certains souvenirs pourraient revenir à la surface, de ceux qu’on oublie et qui nous ont pourtant été chers. J’ai envie de lui dire que je suis bousculée par tout un tas de souvenirs depuis mon arrivée à Everlasting, mais je m’abstiens. Je n’aime pas l’idée d’être comme un cobaye que l’on étudie, ce qui est plutôt ironique, en vue de ma vie ces deux derniers mois.L’envie de chercher Jaspe me ronge. Des ordinateurs intraçables sont à notre disposition, seulement qu’est-ce que ça pourra m’apporter de plus? À la place, je cours sur un tapis de sport mis à notre disposition. Je ne vois plus le ciel depuis deux jours, mais ce n’est pas grave. Je cours, je
À mon réveil, Ellis n’était plus là.J’ai passé trois jours à voguer entre instructions de mission, travail physique et recherches sur Soulmates. Je dois mener à bien la mission qu’ils m’ont confiée. Je ne sais pas comment je vais me débrouiller, mais je n’ai pas le choix. J’ai essayé d’enfermer mes sentiments pour Ellis dans un coin de mon cerveau, de les repousser le plus loin possible, pour ne plus y penser. Et à la place, je me suis tournée vers Isaac.Volonté propre ou restes de produits chimiques? Je n’en aurai jamais la confirmation, mais je me sens bien avec lui. Il n’est pas parfait, mais qui l’est? Un peu trop franc – oui, c’est possible – et très bavard, il ne semble jamais trouver le temps long quand il parle de Mae. Je ne suis pas sûre qu’il y ait quoi que ce soit de romantique entre eux, tout juste le maigre espoir de pouvoir survivre un jour de plus. Ils se serrent les coudes et semblent se comprendre. L’égocentrisme dont il fait preuve me fasci
À l’étage, je ris de ma bêtise. C’était tellement évident… Nous sommes dans ma petite chambre, celle que je partageais avec les chats lorsqu’ils hantaient encore les lieux. Toute petite, mais tellement lumineuse, les fenêtres mangent les façades de la pièce et l’inondent d’un soleil timide. Les murs blancs, le parquet clair et les meubles en bois sentent le cèdre et je me perds dans les souvenirs que j’ai, alors que petite, je lisais sous la couverture à l’aide d’une lampe torche pour ne pas réveiller mes parents.<nostalgie>—C’est un joli tapis, tu ne trouves pas? demandé-je à papa alors qu’on le dispose dans la pièce.—Oui, dragons et licornes, ça ne m’étonne pas de toi.Il pose sa main sur ma tête et je me gargarise de ce contact. J’aime quand il est d’accord avec mes choix, et puis il s’accorde parfaitement avec les draps-housses parsemés de loups-garous.—Tu en prendras soin, d’accord? Il est important qu’il r