lundi 02 janvier 2108Il fait à peine jour, mais je suis déjà debout depuis un moment à faire les cent pas dans la cuisine. Cette nuit, j’ai eu le sommeil agité et je me sens un peu nerveuse à l’idée de taper l’incruste dans une réunion de militaires, qu’ils soient sur le terrain ou dans les administrations. Je serai probablement la plus jeune et je n’ai pas envie de passer pour une gamine qui ne comprend rien à ce qui se passe.Je finis par me faire un café et me servir un bol de céréales trouvées au fond d’un placard. Tandis que je touille d’une main le liquide noirâtre, je me palpe l’abdomen avec l’autre pour vérifier que le bandage posé après la douche tient toujours comme il faut. La douleur vive a disparu dès l’instant où Khenzo a retiré ces foutues aiguilles, en revanche je continue à ressentir un mal lancinant. Comme s’il jouait à cache-cache entre mes côtes.—Salut Xalyah.Je sursaute et tourne la tête vers la nouvelle venue. Camélia, l
«Il m’aura fallu au moins une semaine pour me remettre de la dernière séance publique. Une semaine avant que les douleurs musculaires, les maux de tête et les saignements de nez disparaissent. D’après le médecin qui m’a examinée plusieurs fois pour contrôler mon état: ce n’est rien. L’homme aux yeux vairons ne semble pas vraiment d’accord, mais on ne lui demande pas son avis alors il garde le silence, laissant l’autre blouse blanche établir son rapport.—Vous pouvez la ramener dans sa cellule, conclut-il à l’intention de mon geôlier préféré. On en a fini avec elle pour aujourd’hui.Le soldat s’approche et m’attrape par le bras afin de m’aider à me relever. J’ai les jambes tremblantes, malgré tout je suis contente d’apprendre qu’on ne viendra pas me chercher une nouvelle fois aujourd’hui. Peut-être vais-je enfin pouvoir me reposer un peu.—Allez, viens par-là, m’ordonne-t-il en poussant la porte pour me faire passer devant.Nous mar
jeudi 05 janvier 2108Dans la pénombre, mon reflet m’offre un pâle sourire et pour la cinquième fois, je m’asperge le visage pour me ressaisir. La fraîcheur de l’eau me fait frissonner et ma peau se hérisse à nouveau. Je n’arrive pas à chasser ces images qui me hantent inlassablement. Et ça m’épuise. Mes doigts se crispent sur la vasque du lavabo, j’inspire et expire lentement plusieurs fois pour dissiper la nausée qui me tord l’estomac.Lorsque je me suis réveillée en sursaut, cinq minutes plus tôt, j’ai bien cru avoir parlé tout haut, mais comme ni Jeremy ni Khenzo n’ont fait mine de bouger, mes mots sont certainement restés dans ma tête. Et ça vaut mieux ainsi.Je me rafraîchis une dernière fois le visage avant de m’essuyer avec ma serviette, bien décidée à passer une fin de nuit plus tranquille. Alors que j’accroche le linge sur le radiateur, la lumière s’allume brusquement, me faisant sursauter en même temps que pousser un petit cri de surprise. Très cl
dimanche 15 janvier 2108Enfin nous y sommes. Le bataillon est au complet, bientôt prêt à partir pour de nouveaux horizons et nous ne remettrons pas les pieds ici avant un moment. Si tout se passe bien.Je passe en revue les noms de ceux qui vont me suivre jusqu’à Corbeilles et me rappelle quelques anecdotes sur chacun d’entre eux pour bien les avoir en tête. Ils seront sous ma responsabilité désormais. Le général a été clair à ce sujet. Leurs erreurs seront les miennes. Leurs merdes seront les miennes. À moi d’assumer et de faire d’eux des personnes sur qui l’on peut compter. J’espère ne pas m’être trompée à leur propos.Assise sur le dossier du canapé, face à la fenêtre, je souffle sur ma tasse de café avant de boire une gorgée. Il est bien serré, comme je l’aime pour me réveiller. Doucement, je me penche en avant et pose mon nez contre la vitre. L’obscurité se lève peu à peu sur la rue et les bâtiments alentour. C’est un spectacle que j’apprécie particuli
lundi 16 janvier 2108Une bourrasque s’engouffre entre les murs en parpaings qui se dressent vers le ciel. Je remonte le col de mon manteau et continue à déambuler sur le chantier encore désert. Quelques hommes patrouillent à pied pour dissuader les curieux de faire un tour durant la nuit et de perturber les équipes le jour. L’un d’eux m’aperçoit et me fait un signe de la main. Je lui réponds et continue mon inspection.Hier, nous sommes arrivés tard. Nous avons été obligés de nous arrêter plusieurs fois durant le trajet pour diverses raisons, si bien que nous avons mis quatre heures de plus que ce qui était prévu. Yasshem devait me faire un tour du propriétaire à notre arrivée, mais nous avons convenu de repousser au lendemain matin, préférant partager un bon repas tous ensemble avant d’aller dormir.Le temps que les travaux se terminent, mes hommes et moi logerons dans l’entrepôt avec les autres. Ils ont fini la rénovation des étages
dimanche 22 janvier 2108Nos pieds foulent l’asphalte recouvert d’une légère couche de givre. Même en avançant le plus silencieusement possible, nous ne pouvons éviter que nos semelles ne crissent sur le sol. Il a fait très froid ces deux derniers jours et malgré le feu du brasero que nous avons allumé cette nuit, personne n’a réussi à se réchauffer. J’ai les mains gelées et souffler dessus ne m’apporte qu’un maigre réconfort.Heureusement, nous touchons bientôt au but. Devant nous se dresse la maison. Imposante avec ses grandes colonnes qui soutiennent l’arche entourant le perron, kitsch avec ses vitraux colorés, le jardin clôturé toujours en friche; elle est telle que nous l’avons vue la dernière fois.—Tout ça me semble si lointain…Je tourne la tête vers Khenzo qui détaille la bâtisse avec attention. Il a l’air un peu triste, comme s’il se remémorait des souvenirs agréables à jamais perdus. Je me rapproche de lui et lui touche le bras.
lundi 23 janvier 2108Je me réveille en sursaut, le cœur battant fort dans ma poitrine. Un frisson me parcourt le corps et je bats des paupières pour retenir les larmes qui se pressent sous mes cils. Ce sentiment d’oppression… Et aujourd’hui, ce vide qui me déchire le cœur… Si seulement… si seulement…Je me tourne sur le côté et me redresse sur un coude. Le feu s’est presque éteint et les dernières braises diffusent une lueur rougeoyante sur les visages de Thomas et Khenzo. Ils dorment profondément. Je les envie. Mes yeux se ferment et mes visions cauchemardesques reviennent au galop pour m’assaillir de toute part. Je suis cernée par mes peurs et mes douleurs, envahie par ces images surgies du passé dans lesquelles j’ai la sensation de m’enliser. Une chouette hulule tout près de la cabane, me ramenant brusquement à la réalité.—Enfoiré de Kraeffer, murmuré-je, haletante. Tu ne me lâcheras donc jamais?Exaspérée de ne pas réussir à reprendr
vendredi 27 janvier 2108Il est pratiquement midi lorsque nous arrivons enfin aux abords de Bellegarde. Nous longeons les champs toujours en exploitation sans croiser ni hommes ni machines. Sans nul doute que les habitants du coin doivent profiter de l’hiver pour remettre en état le matériel avant l’arrivée des beaux jours.Après avoir rendu visite à Juranville, Beaune-la-Rolande et Ladon, il est temps d’aller se confronter à un plus gros poisson. Contrairement aux trois premières villes, Bellegarde possède une milice bien armée et suffisamment couillue pour aller mener des raids dans les villes et villages voisins. D’après nos informations, leur plus grosse opération remonte à début décembre; celle qu’ils ont montée conjointement avec la ville de Nesploy à l’encontre de Corbeilles. Noellie et Matias y ont perdu la vie, ainsi qu’une petite dizaine d’assaillants.Beaucoup à l’entrepôt ont vu d’un mauvais œil mon initiative. Tendre la main aux meurtriers