samedi 31 décembre 2107—Est-ce que ça te dérange de prendre ses affaires? Je vais l’installer à l’arrière du véhicule le temps que tout le monde finisse de se préparer.—Pas de problème.Quelqu’un me soulève dans ses bras. Mon frère, si je me fie à la voix du premier interlocuteur. J’essaye d’ouvrir les yeux, mais n’y parviens pas. Je ne sais pas ce qu’on m’a injecté dans les veines, mais pour que je sois KO à ce point, ça doit être puissant.Ma tête roule sur l’épaule de Xavier et j’agrippe faiblement sa veste.—Xal’? m’interpelle-t-il. Tu es avec nous?Pas de réponse de ma part.—Elle a dormi profondément toute la nuit. Tu sais ce que lui a donné Alexian?—Non, répond Khenzo dont je reconnais la voix grave. Mais visiblement c’est efficace, la fièvre est tombée.Je crois qu’il me touche le front avant de s’en aller. Xavier lui emboîte le pas et je me rendors aus
dimanche 01 janvier 2108Quelqu’un me secoue gentiment le bras pour me réveiller. Je lâche un grognement peu gracieux et enfouis un peu plus ma tête dans l’oreiller moelleux qui m’invite à continuer ma nuit. La personne se fait plus insistante et à contrecœur, je me retourne dans la couette épaisse pour me relever sur un bras et regarder autour de moi.Merde, je suis où? Je ne reconnais pas cet endroit.—Bien dormi?Je sursaute et me tourne de l’autre côté pour croiser le regard fauve de Thomas. Aussitôt, je bondis hors du lit, mais je me prends les pieds dans les draps et m’étale de tout mon long sur le sol. Constatant que je suis en t-shirt trop large pour m’appartenir, petite culotte et chaussettes en laine, j’attrape la couette pour me couvrir avec. De l’autre côté du lit, Thomas se retient de rire.—Je t’aurais bien laissé dormir plus longtemps, mais le général veut te voir.—On a dormi ensemble?
lundi 02 janvier 2108Il fait à peine jour, mais je suis déjà debout depuis un moment à faire les cent pas dans la cuisine. Cette nuit, j’ai eu le sommeil agité et je me sens un peu nerveuse à l’idée de taper l’incruste dans une réunion de militaires, qu’ils soient sur le terrain ou dans les administrations. Je serai probablement la plus jeune et je n’ai pas envie de passer pour une gamine qui ne comprend rien à ce qui se passe.Je finis par me faire un café et me servir un bol de céréales trouvées au fond d’un placard. Tandis que je touille d’une main le liquide noirâtre, je me palpe l’abdomen avec l’autre pour vérifier que le bandage posé après la douche tient toujours comme il faut. La douleur vive a disparu dès l’instant où Khenzo a retiré ces foutues aiguilles, en revanche je continue à ressentir un mal lancinant. Comme s’il jouait à cache-cache entre mes côtes.—Salut Xalyah.Je sursaute et tourne la tête vers la nouvelle venue. Camélia, l
«Il m’aura fallu au moins une semaine pour me remettre de la dernière séance publique. Une semaine avant que les douleurs musculaires, les maux de tête et les saignements de nez disparaissent. D’après le médecin qui m’a examinée plusieurs fois pour contrôler mon état: ce n’est rien. L’homme aux yeux vairons ne semble pas vraiment d’accord, mais on ne lui demande pas son avis alors il garde le silence, laissant l’autre blouse blanche établir son rapport.—Vous pouvez la ramener dans sa cellule, conclut-il à l’intention de mon geôlier préféré. On en a fini avec elle pour aujourd’hui.Le soldat s’approche et m’attrape par le bras afin de m’aider à me relever. J’ai les jambes tremblantes, malgré tout je suis contente d’apprendre qu’on ne viendra pas me chercher une nouvelle fois aujourd’hui. Peut-être vais-je enfin pouvoir me reposer un peu.—Allez, viens par-là, m’ordonne-t-il en poussant la porte pour me faire passer devant.Nous mar
jeudi 05 janvier 2108Dans la pénombre, mon reflet m’offre un pâle sourire et pour la cinquième fois, je m’asperge le visage pour me ressaisir. La fraîcheur de l’eau me fait frissonner et ma peau se hérisse à nouveau. Je n’arrive pas à chasser ces images qui me hantent inlassablement. Et ça m’épuise. Mes doigts se crispent sur la vasque du lavabo, j’inspire et expire lentement plusieurs fois pour dissiper la nausée qui me tord l’estomac.Lorsque je me suis réveillée en sursaut, cinq minutes plus tôt, j’ai bien cru avoir parlé tout haut, mais comme ni Jeremy ni Khenzo n’ont fait mine de bouger, mes mots sont certainement restés dans ma tête. Et ça vaut mieux ainsi.Je me rafraîchis une dernière fois le visage avant de m’essuyer avec ma serviette, bien décidée à passer une fin de nuit plus tranquille. Alors que j’accroche le linge sur le radiateur, la lumière s’allume brusquement, me faisant sursauter en même temps que pousser un petit cri de surprise. Très cl
dimanche 15 janvier 2108Enfin nous y sommes. Le bataillon est au complet, bientôt prêt à partir pour de nouveaux horizons et nous ne remettrons pas les pieds ici avant un moment. Si tout se passe bien.Je passe en revue les noms de ceux qui vont me suivre jusqu’à Corbeilles et me rappelle quelques anecdotes sur chacun d’entre eux pour bien les avoir en tête. Ils seront sous ma responsabilité désormais. Le général a été clair à ce sujet. Leurs erreurs seront les miennes. Leurs merdes seront les miennes. À moi d’assumer et de faire d’eux des personnes sur qui l’on peut compter. J’espère ne pas m’être trompée à leur propos.Assise sur le dossier du canapé, face à la fenêtre, je souffle sur ma tasse de café avant de boire une gorgée. Il est bien serré, comme je l’aime pour me réveiller. Doucement, je me penche en avant et pose mon nez contre la vitre. L’obscurité se lève peu à peu sur la rue et les bâtiments alentour. C’est un spectacle que j’apprécie particuli
lundi 16 janvier 2108Une bourrasque s’engouffre entre les murs en parpaings qui se dressent vers le ciel. Je remonte le col de mon manteau et continue à déambuler sur le chantier encore désert. Quelques hommes patrouillent à pied pour dissuader les curieux de faire un tour durant la nuit et de perturber les équipes le jour. L’un d’eux m’aperçoit et me fait un signe de la main. Je lui réponds et continue mon inspection.Hier, nous sommes arrivés tard. Nous avons été obligés de nous arrêter plusieurs fois durant le trajet pour diverses raisons, si bien que nous avons mis quatre heures de plus que ce qui était prévu. Yasshem devait me faire un tour du propriétaire à notre arrivée, mais nous avons convenu de repousser au lendemain matin, préférant partager un bon repas tous ensemble avant d’aller dormir.Le temps que les travaux se terminent, mes hommes et moi logerons dans l’entrepôt avec les autres. Ils ont fini la rénovation des étages
dimanche 22 janvier 2108Nos pieds foulent l’asphalte recouvert d’une légère couche de givre. Même en avançant le plus silencieusement possible, nous ne pouvons éviter que nos semelles ne crissent sur le sol. Il a fait très froid ces deux derniers jours et malgré le feu du brasero que nous avons allumé cette nuit, personne n’a réussi à se réchauffer. J’ai les mains gelées et souffler dessus ne m’apporte qu’un maigre réconfort.Heureusement, nous touchons bientôt au but. Devant nous se dresse la maison. Imposante avec ses grandes colonnes qui soutiennent l’arche entourant le perron, kitsch avec ses vitraux colorés, le jardin clôturé toujours en friche; elle est telle que nous l’avons vue la dernière fois.—Tout ça me semble si lointain…Je tourne la tête vers Khenzo qui détaille la bâtisse avec attention. Il a l’air un peu triste, comme s’il se remémorait des souvenirs agréables à jamais perdus. Je me rapproche de lui et lui touche le bras.